Les faiseurs de suicides

Les souvenirs font rage sur le champ de bataille.
Fracassés contre eux-mêmes, on y trouve tous les âges.
L'objectif est simple : détruire.
Ce n'est pas le leur mais c'est leur seule ligne de mire.

De coups de tonerre en coups d'éclat, ils essaient d'échapper au destin.
Par soubresauts et petits pas, ils pensent éviter leur déclin.
Mais la mine était là, qui réclamait son festin.
Ce sont les jambes qui partent, ainsi que les intestins.

La pluie de sang pigmente cette réalité boueuse de ciel gris.
Dans ce mélange répugnant, ils hallucinent, voient des colibris.
C'est le mental qui s'échappe. La réalité est trop sévère :
« Sauvez-moi - tirez-moi de là, j'entrevois la Dame avec sa faux de fer

Ou swtichez-moi ! Oui, échangez-moi avec un de ces faiseurs de suicides.
On ne m'a pas sonné, on m'a pris au piège de Thucydide. » [1]
Car ce n'est pas de l'ennemi qu'ils ont peur, c'est de vous et moi.
C'est contre vous qu'ils font la guerre,
Ne vous y trompez pas.

Le vin des corps ruisselle maintenant dans les fourrés.
L'éthanol remplacé par l'adrénaline.
Morts à deux moitiés de coups de mortier,
C'est ici que leur existence culmine.

Quel dommage que ce temps gâché.
Ils auraient pu faire de belles choses.
Ils ne seront jamais pères de foyer.
C'est leur Dernière Métamorphose.

Chez les vivants, les ogives nucléaires n'ont pas encore pété.
Les faiseurs de suicides ont un dernier instinct de conservation.
Mais le conflit est consommé.
Il n'y a plus de désir de conversation.

Aux pourparlers ils tendent une sourde oreille,
N'entendent que des mensonges.
Trahissant les promesses de la veille,
Dieu regarde mais jette l'éponge.




Note

[1] Le piège de Thucydide désigne une situation où une puissance dominante entre en guerre avec une puissance émergente, par peur de l'ascension de cette dernière.