Moisi de moi

Quand je mourrai, je veux tomber comme une feuille morte.
Délicatement, comme traversant des matelas de coton.
Puis me désagréger pour toquer à la porte
De ces microcosmes souterrains dont le sol est fécond.
J'harnacherai les vers de terre et surferai les cailloux.
De slaloms en slaloms, j'irai fureter partout.
Je communiquerai, aussi, avec ces bouts de moi partis dans l'atmosphère
À la discute avec les nuages et dans les vents, comme de petites montgolfières.

Oui, toutes ces particules moisies de moi voyageront.
Et, en passant par les océans, s'offriront un petit plongeon.
Les poissons des alcootests feront
Pour s'assurer que leur monde tourne toujours bien rond :
"Des particules de moisi qui jouent à Poséidon ?
C'est du jamais vu, ça pourrait être un drôle d'hameçon !"

Oui, ma chute sera amortie.
Par la même délicatesse de Celui qui,
Il y aura alors de cela des dizaines d'années,
M'avait fait braillant avec une peau de bébé.

Je n'y vois rien de menaçant, rien de scary.
Tout ce qui fait mal est dans la vie.
Ou plutôt, c'est tout ce qui n'est pas dans la vie et qu'on souhaiterait.
C'est ça qui fait mal quand on meurt. De ne pas avoir vécu ses envies.
De ne pas avoir suivi l'en-vie.
Alors que rien, absolument rien ne t'en empêche.
Tu avais le temps, tu as repoussé.
Tu n'as plus le temps, les yeux vont se fermer.